Le Tarmac avait la chance d’accueillir René Silvestre le mardi juin dernier lors du Tarmac Trip 2016, une porte ouverte dédiée à la fois à promouvoir le dispositif pépinière en matière de création d’entreprises et d’emplois, et ses start-up puisque 19 d’entre elles ont pu pitcher et présenter des démos sur un stand. Et le personnage a fait son effet, tant sur la forme que sur le fond, rappelant avec une verve et une énergie enthousiasmante quelques vérités sur l’entrepreneuriat !
Il faut dire que l’homme et son parcours sont déjà une belle histoire. Il a 23 ans lorsqu’encore étudiant à l’école de commerce de Rouen, il décide de créer son entreprise. « Et j’étais le seul de ma promo de 200, une école pourtant destinée à former de futurs chefs d’entreprise, à vouloir suivre cette voie ! Enfin, on était 2 mais on créait ensemble, donc … Même le directeur me demandait pourquoi je voulais créer une boite alors que j’avais de belles propositions d’emplois dans de grands groupes. On l’a fait en partant d’une idée simple, parce qu’il n’y a que les idées simples qui sont des idées fortes, et toutes les choses qui ont marché ont été des simplifications. On a fait un constat : entre 15 et 25 ans, c’est l’époque des grandes choix de la vie (métier, formation, etc), et face au choix, il faut de l’information. On a regardé, et il n’y en avait pas. » Alors avec Guy Pessiot et Jean-Claude Roquand, René Silvestre créée l’Etudiant : un groupe média presse écrite sur la formation, les études et les métiers pour les aider à faire un choix intelligent. « Notre étude marketing s’est arrêté là, elle a duré 15 mn et a coûté 1 ou 2 bières ! ».
« On était fous, on créait à 2, avec 3000€ de fonds propres, un média de presse écrite en concurrence frontale avec des médias d’Etat, et on était jeunes ce qui l’époque était un handicap. Les 25 ans qui ont suivi ont été une aventure extraordinaire dans tous les sens du terme : on a vu par moments plus d’huissiers que de clients, et on failli déposer le bilan plus de fois qu’on l’a clôturé ! C’était un vrai western… parce qu’on n’avait pas de fonds propres et qu’à l’époque on ne levait pas de fonds ! »
Pourtant, le groupe va connaître un bel essor : lancement du magazine, des livres, et du salon de l’étudiant (plus de 45 salons chaque année en France aujourd’hui), le web, l’orientation, … le groupe ne compte pas moins de 300 salariés lorsque 25 ans après l’avoir créé et développé, René Silvestre décide finalement de vendre, pour assurer le futur de ses collaborateurs. Pourquoi vendre quand enfin tout marche ? « Parce qu’une start-up, c’est une mobylette, on arrive toujours à se débrouiller. Quand ça devient un poids lourd, avec des centaines de salariés, vous avez la responsabilité de mettre votre bébé à l’abri ».
Il y travaillera 10 ans avant de … prendre sa retraite ? Évidemment non, quand on est entrepreneur dans l’âme et militant de la création, on entreprend et/ou on aide les autres à le faire : René Silvestre va faire les deux et transmettre son avoir. Profitant des 5000m² de locaux de l’Etudiant dont il était resté propriétaire, il créée la première pépinière 100% privé pour accompagner les jeunes créateurs : Pépinière 27, qui héberge aujourd’hui près de 100 start-up, avec un slogan qui en dit long « celui qui ne se plante jamais n’a aucune chance de pousser » ! Une pépinière qui tourne à plein régime depuis son lancement et a poussé René Silvestre a accepté la demande du Crédit Agricole d’assurer la gestion de son village start-up à la Boétie. Et hop, 75 start-up de plus ! Et comme ce n’était pas encore assez pour ce moteur infatigable de l’entrepreneuriat, il a pris voilà 2 ans la Présidence du réseau national des pépinières Elan pour porter plus haut et plus fort la parole commune d’un dispositif hors du commun qu’il incarne à 200%.
Les 426 pépinières françaises ont créé plus de 25000 emplois partout sur le territoire l’an dernier. « Des pépinières, j’en ai visité des centaines partout en France. Elles sont toutes différentes, par leur taille, le type de projets qu’elles accompagnent, urbaines ou rurales, publiques, privées ou mixtes, mais toutes ont en commun la même ferveur autour d’un rêve partagé : créer des emplois en créant des entreprises ! Et notre activité est très peu connue sur le plan national. Aujourd’hui, notre écosystème n’est pas assez reconnu et on est encore trop souvent perçus comme des loueurs de bureaux. Mais nous ne sommes pas des loueurs de bureaux, nous sommes une fabrique d’entrepreneurs ! »
Conclusion : « nous sommes, vous êtes le fer de lance de notre économie, et bien plus encore parce que nous portons l’optimisme ! Notre pays a besoin de nous ! C’est sur nos jeunes pousses qu’on bâtit notre avenir, et il est impératif de mobiliser tous les acteurs pour que se multiplient ce type de lieux. les collectivités locales bien sûr, mais elles ont de moins en moins de moyens, le législateur (pourquoi assujettir les pépinières à la taxe foncière quand les écuries de courses de chevaux en sont exemptes, alors que nos entreprises aussi sont des chevaux de course [sic] !!) , mais aussi les grandes entreprises, qui doivent contribuer au développement de ces start-up qu’elles ont longtemps regardé avec un dédain amusé avant d’en avoir peur. »
Et si l’on ne devait retenir qu’une chose, ce serait sa dernière phrase, qui est à elle seule la promesse enthousiasmante que non, tout n’est pas noir dans notre pays : « Il y a des gens qui poussent à l’ombre des grands arbres. Dans nos pépinières, ici comme ailleurs, les arbres on les plante et d’autres viendront peut-être s’y mettre à l’ombre…. ».