La route de la levée de fonds peut sembler être un voyage passionnant vers la croissance et l’expansion pour de nombreux entrepreneurs. Cependant, comme beaucoup l’ont appris lors de l’atelier « Lever des fonds : du fantasme à la réalité » animé par Didier Bernard de Rainmakers, ce voyage est loin d’être une promenade de santé et s’apparente d’avantage à un ultra trail qu’à un footing du dimanche.
Avec des termes tels que road show, croissance, passage à l’échelle, accélération, revente, les participants ont été plongés dans le monde complexe des investissements en capital-risque (VC).
L’alignement des logiques : les investisseurs viennent de Mars, les entrepreneurs viennent de Vénus
L’un des points centraux de l’atelier a été la mise en lumière de la divergence entre les logiques des investisseurs et des entrepreneurs.
Pour rappel, le fonds est une société de gestion qui elle-même réalise une grosse levée de fonds auprès de partenaires et définit une stratégie d’investissement pour ce fonds, avec pour objectif de boucler le cycle en 10 ans. Ainsi, le fonds investit pendant 5 ans, puis commence ses sorties. Au terme des 10 ans, le fonds se ferme, et un nouveau fonds se créée.
Conséquence : faire entrer un fonds implique une stratégie de sortie à très moyen terme (série B, revente à un industriel, ou entrée en bourse).
Les investisseurs sont motivés par des gains financiers et des objectifs de rendement élevés pour répondre à leur modèle économique. Ce sont des gens passionnés, qui rêvent de révéler la prochaine pépite.
Les entrepreneurs quant à eux sont généralement animés par leur passion pour leur projet et leur désir de le voir réussir.
Trouver un terrain d’entente entre ces deux mondes est essentiel pour assurer le succès d’une levée de fonds. La levée de fonds c’est un marché entre un entrepreneur qui a quelque chose à vendre et un investisseur qui a quelque chose à acheter en faisant une plus-value selon certaines règles.
Comprendre l’investisseur : clé de la réussite
Et si l’on tentait de se mettre dans la peau d’un investisseur ? L’empathie s’est invitée dans cet atelier pour aider à mieux comprendre les investisseurs et donc mieux les aborder.
Il faut savoir que ces derniers sont souvent submergés par un flux incessant de propositions, examinant entre 1000 et 1500 dossiers par an pour en retenir seulement 5 à 10. Faites le calcul… il n’y a qu’1 à 2% d’heureux élus.
Les investisseurs sont motivés par des projets ambitieux mais doivent également gérer des obligations de résultats et de retour sur investissement à moyens termes.
En amorçage et série A, le fonds s’attardent essentiellement sur 4 critères :
- Le produit : plus il est disruptif, scalable, avec des modèles de revenus récurrents qui permettent de se projeter et des marges brutes importantes, plus le produit a des chances de séduire un VC.
- Le marché : un VC ne s’intéressera pas à un marché de niche franco-français. Une startup n’est finançable par un fonds que si elle vise au moins le top 3 d’un marché européen, idéalement en sommeil, sur lequel elle va pouvoir rapidement se tailler la part du lion.
- La traction : il est indispensable de faire la preuve de sa capacité à vendre, et si possible de montrer un début de croissance exponentielle, qui montre la dynamique. Inutile d’aller chercher des fonds avant d’avoir commencé à vendre, ou au moins d’avoir des lettres d’intention …
- Les fondateurs : 50% de la décision à ce stade tient au profil des fondateurs. Une équipe de 2-3 co-fondateurs complémentaires associant un profil technique et un profils business est bien mieux perçue qu’un solo entrepreneur. Il est fondamental de mettre en avant ses succès passés (dans tous les domaines), ses diplômes atypiques, mais surtout sa capacité d’exécution.
Une fois retenu, l’investisseur sera votre meilleur ambassadeur pour défendre votre projet auprès de son fonds d’investissement. La transparence et la crédibilité sont essentielles pour établir une relation solide avec un investisseur potentiel.
La danse avec le fonds d’investissement
La levée de fonds implique également une compréhension approfondie du fonds d’investissement lui-même. Ces fonds suivent des tendances et des modèles économiques, prenant des décisions basées sur des règles strictes. Ils recherchent des opportunités à fort potentiel de croissance et sont souvent en quête d’entreprises qui peuvent être revendues avec succès dans les 5 à 7 ans suivant l’investissement initial. La temporalité est donc cruciale : l’investisseur investit au moment où l’avion va décoller. Mieux vaut donc ne pas démarcher trop tôt.
Le chemin vers le succès : une feuille de route rigoureuse
La levée de fonds n’est pas un modèle économique en soi, mais plutôt un processus rigoureux et exigeant. Une préparation minutieuse est essentielle pour éviter les écueils et les objections lors du processus de levée de fonds, qui peut durer de 6 à 12 mois, voire plus.
Obtenir un 1er rendez-vous est déjà un bel exploit, mais ce n’est que le début du processus. 90% des premiers rendez-vous n’aboutissent pas. Il faut ensuite compter 2à 3 rendez-vous complémentaire, un comité d’investissement, un audit, un montage juridico-financier, autant d’étape auxquelles le projet est susceptible de sortir.
La clé du succès réside dans la capacité à convaincre et à séduire les investisseurs tout en étant en mesure de répondre à leurs préoccupations et objections de manière convaincante.
Etat des lieux : la levée de fonds a-t-elle encore le vent en poupe
D’aucun diront que les leveurs de fonds se montrent de plus en plus frileux. Quand on observe les chiffres, on remarque que le montant total des levées a chutée : 8 Milliards d’euros en 2023 pour la French Tech contre 13 Milliards en 2022, soit une baisse de 36%. Fait rassurant cependant : si les méga-levées se font de plus en plus rares, le nombre d’opérations n’a pas faibli. Pourquoi ? Les amorçages et les séries A ont pris de l’ampleur représentant 90% des opérations. Cerise sur le gâteau : forte progression de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui a atteint 1,7 milliard d’euros avec une centaine de levées de fonds (contre 728 millions d’euros en 2022). (source : Maddyness https://www.maddyness.com/2024/01/04/83-milliards-deuros-leves-en-2023-une-baisse-attendue-qui-signe-la-fin-de-largent-facile/)
L’espoir est de mise !
Conclusion : un marché réglementé avec des opportunités
En fin de compte, la levée de fonds est un marché réglementé où les entrepreneurs ont quelque chose à vendre et les investisseurs ont quelque chose à acheter. Comprendre les règles du jeu, aligner les objectifs et être prêt à naviguer dans un processus long et rigoureux (9 à 12 mois de moyenne) sont les clés pour réussir dans ce domaine.
Alors que le paysage des investissements en capital-risque continue d’évoluer, ceux qui sont prêts à relever le défi peuvent trouver des opportunités passionnantes pour faire croître et développer leurs entreprises.
La levée de fonds avec les VC peut sembler être un défi de taille, mais avec la bonne préparation et une compréhension approfondie des enjeux, les entrepreneurs peuvent transformer leurs aspirations en réalité.