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[CAFE INSPIRANT – French Tech Tremplin] La vie d’une startup n’est pas un long fleuve tranquille : témoignage de Christophe Bonneville, cofondateur de Resolution Spectra Systems

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En octobre dernier, Christophe Bonneville livrait son expérience aux jeunes entrepreneurs du Tarmac, revenant sur son parcours de CEO, de la création de Resolution Spectra à son rachat par Merck KgaA en juin 2020. Retour sur une aventure… humaine avant tout !

Physicien diplômé de l’Ecole Centrale de Marseille et docteur en optique instrumentale, Christophe Bonneville contribue, durant son doctorat, au développement d’un couple de nouveaux instruments pour l’astronomie. Un de ces instruments est d’ailleurs implémentés aujourd’hui sur le James-Webb (James Webb Space Telescope ou JWST, anciennement Next Generation Space Telescope ou NGST), un télescope spatial développé par la NASA, avec le concours de l’Agence spatiale européenne (ESA) et de l’Agence spatiale canadienne (ASC), dont le lancement est prévu en décembre 2021.

« On peut dire que l’activité spatiale – on ne parlait pas encore de Newspace à l’époque – a configuré ma première partie de carrière », témoigne Christophe. En 2006, après plusieurs postes de R&D et de gestion de programmes dans l’industrie spatiale, comportant aussi un volet commercial, Christophe Bonneville est recruté par le site grenoblois d’e2v, l’un des leaders mondiaux dans le domaine des capteurs d’images pour le spatial. Son rôle au sein d’e2v lui permet de contribuer au développement de la technologie de rupture SWIFTS™, un concept émergent à l’époque. Après 5 ans dans la même activité, Christophe ressent le besoin de changer d’environnement et a en tête depuis un moment de créer son entreprise !

Créer de petites entreprises, une bonne manière de créer de l’innovation et une culture d’entreprise

Le concept SWIFTS™ devenant de plus en plus convaincant, Christophe décide donc de franchir le pas et s’associe à Thierry Gonthiez pour mettre sur pied une initiative commerciale d’envergure, visant à proposer aux marchés exigeants une offre basée sur des technologies avancées de spectroscopie optique. « J’avais envie de participer au développement d’une technologie disruptive. Créer de petites entreprises est, selon moi, une bonne manière de créer de l’innovation et une belle culture d’entreprise ! », explique Christophe Bonneville.

« Resolution Spectra a été créé en 2011 sur la base d’un projet FUI à l’époque. Nous étions très techno push ! Si c’était à refaire, je ne referais pas la même chose… », poursuit-il. « Nous sommes partis avec 2 collègues capables de déployer la techno, puis nous avons été rejoints par une personne de Floralis et un thésard. Nous avons démarré à 6. Nous avions des droits au chômage comme créateur d’entreprise. Notre idée de départ était surtout basée sur un partage de valeurs dans le travail, une bonne ambiance. Nous avons beaucoup échangé sur ce que nous voulions faire sur un plan humain », se souvient-il.

Des premières ventes à la levée de fonds, comment trouver son(es) marché(s) ?

« Nous avons démarré sur un marché de niche, sans faire de levée de fonds. Nous voulions avoir de vrais produits et de vrais clients dès le départ. Nous vendions des systèmes de contrôles des sources laser. Nous devions développer en parallèle 4 nouveaux process pour avoir un produit qui tiennent la route. Ce qui est extrêmement complexe ! D’autant plus que développer un nouveau procédé prend généralement 4 fois plus de temps que le calendrier blue sky que l’on peut estimer au départ… Sur nos premiers produits, nous avions un rendement très faible. Pour 50 puces fabriquées, nous en avions seulement 2 de bonnes ! »

Les premières ventes ont été réalisées sur un logiciel d’analyse des sources lasers, à des fabricants de lasers, des intégrateurs et quelques laboratoires scientifiques. L’entreprise a alors dû composer avec la loi des petits nombres : lorsque le pipe commercial est composé d’un petit nombre d’opportunités, dont la transformation est relativement peu probable (par exemple 30%, comme sur le marché scientifique), il devient difficile de faire un prévisionnel. L’équipe a alors déroulé un plan pour obtenir un business plus conséquent, dans l’optique de lever des fonds en 2015. « Un gros travail de segmentation a été fait pour identifier des marchés de fortes croissances pour le futur. C’est ainsi que nous sommes arrivés aux applications de spectroscopie analytique, pour mesurer le contenu moléculaire dans un procédé par exemple »

La levée de fonds, un parcours du combattant nécessaire ?

Christophe Bonneville, cofondateur de Resolution Spectra Depuis 2013, Christophe a travaillé en étroite collaboration avec l’industrie biopharmaceutique afin de proposer des outils analytiques de rupture pour le suivi des bioprocédés, ce qui a conduit à la solution ProCellics™. Mais sur des business faiblement récurrents, basés sur du hardware, lever des fonds est un défi est de taille ! Resolution Spectra décide alors de passer par un leveur de fonds. Bien évidemment, les investisseurs se renseignent en amont pour mesurer l’intérêt des solutions développées par la jeune startup auprès des grosses industries pharmaceutiques. Malgré un positionnement sur un marché prometteur, sortir un Business Plan cohérent avec les attentes d’un investisseur s’avère plus compliqué que prévu… Mais un « VC miracle » rejoint enfin l’aventure.

C’est alors que l’équipe s’aperçoit que la technologie développée depuis des années n’est pas optimale pour adresser le marché visé. Un pivot est donc opéré : Resolution Spectra conserve certains éléments de l’ancienne technologie développée pour le Raman, mais sans lien avec le brevet de départ. Si cela ne pose pas de problème à l’investisseur, c’est un virage plus difficile à faire pour l’équipe, principalement issue de l’instrumentation interférométrique ! Christophe prend alors la décision d’embaucher des personnes issues de la biologie, ce qui renforce l’équipe. L’aspect multi-compétences peut être extrêmement important pour une startup en terme de capacité de disruption. Une formation de l’équipe technique est par exemple organisée sur la biologie cellulaire pour contribuer à la nouvelle dynamique sur le marché biopharmaceutique.

Coconstruire sa solution avec ses clients pour bien connaître leurs besoins, certainement la clé pour les startups !

Avec le recul, Christophe Bonneville est conscient qu’une levée d’1,5 millions était très insuffisante pour aller au bout d’un scale up. Si Resolution Spectra avait de bons retours produits avec des ventes clés, notamment auprès de Merck, devenu client en 2018, la jeune startup n’a pas été en capacité de suffisamment investir pour réussir son scale up commercial. Pour autant, par l’intermédiaire d’un questionnaire d’expression de besoins, elle a su coconstruire son produit avec 7 gros clients. « La connaissance business avec des informations très précises est la vraie mine d’or pour une startup ! Resolution Spectra a su développer un produit avec du hardware, mais une grosse partie de la valeur ajoutée est sur le logiciel. Nous avons su intégrer les aspects métiers répondant aux besoins des biologistes, nos utilisateurs finaux ».

Resolution Spectra n’a pas réussi à  aller au bout d’une deuxième levée, qui aurait résolu bien des problèmes de trésorerie à l’époque. Avec le recul, Christophe constate que la marge de manœuvre était très étroite pour faire rentrer de nouveaux investisseurs. « Le lancement commercial réel de ProCellics arrive seulement aujourd’hui. Si on fait quelques règles de 3, on comprend mieux les enjeux des investisseurs et pourquoi ils ne suivent pas quand la dilution devient significative et que les espérances d’exit ne conduisent pas à des très gros montants », explique-t-il. « Resolution Spectra a failli couler plusieurs fois », confie Christophe. « Il faut vraiment éviter ces goulots d’étranglement de trésorerie qui consomment beaucoup d’énergie ! Pour cela, il ne faut pas hésiter à établir son plan de financement avec beaucoup d’anticipation, en échangeant avec les personnes qui connaissent très bien le fonctionnement des VC ».

Construire une équipe solide et passionnée : les collaborateurs constitue une vraie richesse pour une startup !

Toutefois, le rôle du chef d’entreprise est de garder le cap même dans la tempête. « Son rôle est de décliner une vision forte et un projet d’entreprise, avec pour objectif de faire fructifier l’ensemble, même s’il n’y a pas les moyens espérés pour vendre ! Dans notre contexte, il est devenu assez évident qu’un adossement industriel serait une excellente stratégie. Lorsque nous avons pris la décision de l’exit en juillet 2019, nous avons choisi de travailler avec une banque d’affaire spécialisée dans notre domaine. Sa philosophie était d’aller très vite pour ne pas perdre l’intérêt des acquéreurs potentiels ! Beaucoup de paramètres sont à prendre en compte dans le cas d’un exit : changement d’organisation, de chef, de stratégie, valorisation… Avec cet effet d’accélération important, il est primordial d’avoir bien réfléchi en amont pour ne pas se laisser déstabiliser ! ».

Depuis le rachat par Merck en juillet 2020, 5 embauches ont déjà eu lieu. « Beaucoup de moyens techniques sont offerts à l’équipe et le cadre de travail est resté sympa », souligne Christophe Bonneville. « Durant le due diligence et la négociation finale, ont fait des hypothèses sur la suite sans connaître réellement l’organisation du grand groupe acquéreur. Au moment de l’intégration, mon nouveau n+1 gérait un portefeuille de 700 millions d’Euros de chiffre d’affaires : on évolue dans deux dimensions vraiment différentes ! », s’amuse-t-il. « Ma plus grande fierté restera autour de la constitution de l’équipe. En plus de l’équipe d’origine axée autour d’un savoir-faire en instrumentation, nous avons renforcé l’équipe sur les aspects métiers avec des biologistes, des gens issus de l’industrie pharamceutique et avons monté une équipe qualifiée de développeurs software. Nous n’avons pas hésité à faire appel à un cabinet de recrutement sur ces profils pénuries complexes à recruter (coût 20K€). Cette équipe a eu une valeur importante pour décider Merck ! », conclut-il.

Les 10 conseils de Christophe Bonneville aux jeunes startupers :

  1. Attention de ne pas être trop techno push, mais d’avoir approfondi les vrais besoins de vrais clients potentiels. La connaissance business avec des informations très précises est souvent la vraie mine d’or.
  2. Ne jamais sous-estimer les délais de développement (Faire x4 par rapport aux délais estimés au premier abord si vous développer de nouveaux procédés de fabrication) !
  3. Ne pas sous-estimer non plus le temps pour construire le BP avant une levée de fonds (4 mois de travail nécessaire malgré tout, en passant par un leveur de fonds, pour être capable de sortir un BP cohérent). Le plan de financement est le bras de levier indispensable !
  4. Passer par un leveur de fonds quand on est sur des thématiques non récurrentes et avec du hardware. Le leveur de fonds permet de gagner du temps et de ne pas se griller auprès des fonds avec lesquels on rentre en contact. La lever des fonds a pris une bonne année à Christophe, en consacrant 60% de son temps, ainsi qu’à son associé au sein du directoire.
  5. Avoir des plans A, B, C et D: avoir bien réfléchi en amont aux différents scenarii possibles pour ne pas se laisser déstabiliser par les aléas du business.
  6. Flairer les bons timings pour aller discuter avec les partenaires financiers et éviter au maximum les goulots d’étranglement de trésorerie, car ils consomment énormément d’énergie !
  7. Avoir une vision suffisamment forte pour compenser, le cas échéant, le retard sur les résultats.
  8. Soigner la constitution de son équipe, la formalisation de ses valeurs. Veiller à l’adéquation équipe-projet et à la multi-compétence. Bien communiquer auprès de l’équipe lorsqu’on doit effectuer un pivot avec toute son équipe. L’équipe contribue largement à la valeur de votre startup !
  9. Pour réussir son scale up commercial, investir beaucoup est presque toujours nécessaire. Pour autant, au-delà de l’amorçage ou de la série A, l’intérêt des investisseurs à rentrer au capital n’est pas toujours une évidence. Il faut bien comprendre es attentes chiffrées des investisseurs.
  10. Réaliser un adossement industriel est un moyen très puissant pour étendre la force commerciale: Resolution Spectra est passée de 1 vendeur en 2019 à plusieurs centaines dans le monde après l’exit !

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