Dans cette période d’incertitudes, au cours de laquelle le télétravail se développe, imposé d’abord par une crise sanitaire sans précédent, puis de plus en plus choisi par bon nombre de collaborateurs, Véronique Brenner et Muriel Passaro, cofondatrice de SoluSens, ont souhaité créer un temps de pause et d’échanges autour du Dedans / Dehors. L’enjeu : éclairer ces aller-retour dans l’entreprise, engendrant des itinéraires parfois complexes. Une excellente opportunité pour la cinquantaine de participants de se questionner sur notre lien à l’entreprise, sur la manière dont ces nouveaux espaces nous apportent plus de pouvoir, au lieu de nous contraindre dans un lien parfois asservissant. Et si, finalement, cette crise était vécue comme une formidable opportunité de réfléchir à nos organisations et à cette accélération des transitions ? Et si cette crise nous faisait gagner 10 ans, comme le questionne l’un des participants ?
En guise de préambule, Pauline Fatien, Professeure Associée au Département Homme, Organisations et Société à Grenoble Ecole de Management, explore, à travers ses travaux de recherche, les dimensions éthiques, spatiales et politiques de phénomènes organisationnels, comme le développement du leadership (dont le coaching) et les espaces collaboratifs. Elle évoque tout d’abord l’apparition dans notre relation au travail de 4 nouvelles figures. La première, l’émergence du nomadisme (7% avant la crise, 40% après la crise !), vécue comme une nouvelle utopie, une promesse d’émancipation, qui permettrait de reprendre le contrôle sur son emploi du temps, la manière de s’organiser.
La deuxième figure, apparue déjà depuis quelques années, est celle de l’intrapreneur, qui utilise les locaux de l’entreprise pour ses projets plus personnels. L’objectif : réintroduire de JE et du JEU. La troisième figure, l’habitant du tiers lieux, n’est ni tout à fait en train de voyager, ni tout à fait en train de travailler. Ces espaces de suspension seraient pour eux propices à la réinvention. Et pour finir, la 4ème figure, ces salariés « polygames », pour lesquels « vivre c’est travailler, mais pas que ».
Ces différentes figures remettent en question nos modèles d’organisation, notre sécurité. Pourtant, ces aller-retour entre Dedans / Dehors semblent s’inscrire dans quelque chose de durable, révélant l’ambivalence de notre lien à l’entreprise, à la fois constructeur (constitutif de ce que l’on est) et destructeur (estime de soi vs confiance de l’entreprise), paradoxal, entre attachement et détachement.
Des témoignages éclairants sur les aspects du Dedans / Dehors : Équilibre vie privée / pro, Responsabilité sociale d’entreprise, Quête de sens, Confiance…
De nombreuses interrogations sont soulevées par la question du Dedans / Dehors. Sommes-nous tous équipés pour vivre ces changements ? Est-ce une question de générations et les millenials sont-ils davantage en quête de sens que leurs aînés ? Quelles sont les limites de ces nouveaux modèles ? Comment construire un collectif dans ces espaces de multiplication des entre-deux ? Et quid de la nature du travail et de l’efficacité – efficacité certes prouvée sur le court terme, mais à long terme ?
Au travers du témoignage fort de 3 entrepreneurs, issus de 3 générations différentes, Nils Guicherd (ExplorJob), Eymeric Giraud (Opti’Mouv) et Dominique Perrodin (Les Étages Unis), qui ont vécu et continuent à vivre ces aller-retour, suivis du retour d’expérience de Christophe Baillon (Sogilis), qui a choisi l’entreprise libérée comme mode de management, cette table-ronde brillamment animée par Christian Defélix apportent des éclairages passionnants, sans apporter de réponses toutes faites.
Car, comme le souligne Christian Defélix, Directeur de Grenoble IAE, pour conclure les débats, le « Dedans / Dehors » existe depuis fort longtemps, mais il s’intensifie du fait de la quête de sens qui s’accélère. Ce Dedans / Dehors ne se résume pas uniquement à des contraintes, mais présente au contraire de belles opportunités à saisir pour les entreprises. Toutefois, il reste encore du travail pour susciter des passerelles entre les multiples espaces, pour éduquer, pour favoriser les « possibles » et accompagner. Une nouvelle fois, la place de l’Humain dans le collectif reste au cœur des débats !
