Depuis près de 50 ans, inovallée est plus connue pour ses startups et ses PME innovantes (90% de son tissu économique) que pour ses grands groupes internationaux (une trentaine sur la technopole sur 370 entreprises), même si ces derniers sont de très grands noms dans leur domaine (Capgemini, Roche, Rolls’Royce, Wright, Thales, Orange …).
Pourtant, au delà des implantations réelles de filiales, la technopole abrite aussi, discrètement, quelques pépites, comme l’une des équipes de Recherche de la plus que célèbre enseigne Unity Technologies. Célèbre car l’entreprise de jeu vidéo fondée au Danemark en 2004 et actuellement basée à San Francisco, a conçu et développé l’un des plus puissants moteurs de jeu vidéo multiplateformes : Unity 3D.
Unity Technologies : 24 milliards d’installations en un an pour un leader mondial valorisé plus de 6 milliards en 2019
Unity est l’un des moteurs de développement temps réel et 3D les plus répandus dans l’industrie du jeu vidéo, car il permet un prototypage rapide et multisupports grâce à l’une des boites à outils les plus riches du monde pour créer des expériences interactives 2D, 3D, VR et AR.
Une puissance technologique qui s’appuie sur une équipe de plus de 3000 employés répartis dans 27 pays, qui travaillent avec des partenaires comme Facebook, Google, Microsoft, et Oculus pour s’assurer de l’optimisation et de la compatibilité de leurs dernières innovations.
Les expériences conçues avec Unity touchent près de 3 milliards d’appareils dans le monde entier et ont été installées 24 milliards de fois au cours des 12 derniers mois. Car si Unity exploite la 3D pour le jeu vidéo, ses outils sont également utilisés dans l’architecture, l’automobile, la construction, l’ingénierie, le cinéma, et plus encore.
Fin 2018, la plateforme Unity a servi de base à la création de la moitié des jeux sur mobile sur marché, de 60% des contenus en réalité virtuelle et augmentée, dont 90% des contenus de Microsoft Holosens ou de Samsung Gear. Un succès qui vaut à Unity d’être valorisée à plus de 6 milliards après une levée en série E de 150 millions en 2019.
Une communauté internationale active et une forte philosophie du partage
Avec des offres Premium qui incluent même une licence gratuite dite « Personal », et un fort accent mis sur le partage de savoirs, via des tutoriels gratuits, des forums ou des projets de jeux pré-faits pour guider les moins avertis, Unity fédère une communauté internationale enthousiaste.
Sa chaîne officielle YouTube et recensait en novembre 2019 environ 677 000 abonnés et plus de 500 mentions « J’aime » sur chaque vidéo. Très active, la chaîne propose environ tous les mois la rediffusion des Unity Awards, là où les meilleurs jeux de toutes les catégories produits avec le moteur Unity sont récompensés, cela accompagné de tutoriels, d’explications, de compilations des meilleurs jeux et des démonstrations de la performance et des capacités offertes par Unity. La chaîne permet ainsi aux développeurs expérimentés d’en apprendre plus et aux novices de visualiser une large palette de créations de la communauté Unity.
Unity Labs : des équipes de Recherche à San Francisco, Montréal … et sur inovallée !
A l’instar des grands noms de l’innovation internationale, conscients de la nécessité d’investir dans la Recherche pure pour concevoir et développer les innovations de rupture qui lui permettront de garder sa longueur d’avance, Unity Technologie a créé les Unity Labs, dédiés à la Recherche fondamentale. Les équipes des Labs créent des prototypes, proposent de nouvelles technologies, publient des articles scientifiques, organisent des débats et collaborent avec le monde universitaire et d’autres partenaires pour mener des recherches poussées. Les idées les plus folles sont encouragées pour préparer l’avenir d’Unity, et les plus abouties sont progressivement implémentées dans le moteur. Une petite centaine de chercheurs de haut vol contribuent ainsi librement aux avancées de l’état de l’art en synthèse d’images, en animation 3D, en réalité virtuelle, etc. Les trois sites majeurs de Unity Labs sont à San Francisco, Montréal, et …. inovallée !
La vitesse du jeu vidéo, la qualité cinématographique du cinéma, interprétables en temps réel sur une carte graphique !
L’équipe grenobloise, qui a démarré au sein de l’Atelier Numérique avec 3 personnes en 2016, compte aujourd’hui 9 collaborateurs, dont 5 docteurs en informatique et 4 ingénieurs. Son expertise touche (entre autres …) à tous les aspects liés à l’optimisation des rendus en temps réel, pour rendre les images les plus photoréalistes possibles. Un travail pointu de maths appliquées pour calculer (par exemple) la diffusion de la lumière et des ombres sur l’environnement, avec un challenge clé pour rendre ces calculs compatibles avec le temps réel : la vitesse ! Certaines des recherches de l’équipe s’intègrent au « light mapper » du moteur qui permet de pré-calculer une partie de la lumière au démarrage et de l’appliquer sans calcul après, de manière à améliorer considérablement les performances pour un rendu proche du cinéma. Et c’est bien l’ambition de Grenoble : obtenir un rendu photoréaliste proche du cinéma avec la rapidité des jeux vidéo… En effet, le moteur Unity est de plus en plus utilisé dans le monde du cinéma pour les préproductions (les remakes du livre de la jungle ou du roi lion) et parfois directement comme outil de production pour certaines séries animées (Baymax Dreams).
Autre module implémenté, les travaux de recherche menées sur le calcul de l’éclairage produit par des émetteurs surfaciques et de ses reflets, qui sont aujourd’hui totalement intégrés dans le moteur de rendu Unity : https://www.youtube.com/watch?v=ZLRgEN7AQgM#action=share
De la même façon, l’équipe a travaillé sur des algorithmes capables d’appliquer une texture sélectionnée sur un échantillon à tout un environnement, de manière uniforme et globale, sans que l’on puisse détecter la répétition de l’échantillon : https://blogs.unity3d.com/2019/02/14/procedural-stochastic-texturing-in-unity/
La veille de l’interview, Jonathan Dupuy venait tout juste de soumettre un article sur ses recherches prometteuses sur la gestion de terrains à grande échelle (50 kms * 50 kms). En effet, toutes les scènes 3D sont composées de triangles envoyés à la carte graphique pour le calcul de l’affichage. Gérer des scènes massives en triangles est très demandeur en temps de calcul. Jonathan a mis au point une technique adaptative de décomposition de terrain qui permet d’ajuster dynamiquement le nombre de triangle en fonction du point de vue de manière à ce que la charge de calcul soit gérable en temps réel par la carte graphique ! L’équipe grenobloise collabore d’ailleurs avec NVIDIA pour adapter ses algorithmes aux possibilités grandissantes des nouvelles cartes graphiques.
« Au sein des Labs, nous avons une entière liberté sur nos sujets de Recherche, qui sont choisis en équipe. Nous avons la chance de pouvoir participer aux échanges de la communauté scientifique et de nous tenir toujours à la pointe des publications, et nous sommes libres également de publier (et donc de rendre publics), tous les résultats de nos recherches », souligne Eric Heitz, responsable de l’équipe grenobloise. L’équipe collabore régulièrement avec des partenaires industriels, comme LucasFilm ou NVIDIA, et académique, comme l’Inria ou l’EPFL.
Réseaux de neurones et machine learning
Les avancées récentes dans le domaine du machine learning ouvrent des possibilités d’innovation importantes pour l’image de synthèse : les algorithmes de débruitage ou de superrésolution permettent d’améliorer la qualité des rendus et sont aujourd’hui utilisables en temps réel. Mais on peut encore aller plus loin en cherchant à complètement changer le style d’un rendu. C’est le sujet de thèse d’Adèle, doctorante CIFRE en partenariat avec l’Inria. « L’idée est de sélectionner un style sur une image d’exemple, comme une peinture. Nous utilisons un réseau de neurones qui analyse le style de l’image et le transfert directement aux images générées par Unity. De cette manière, on a l’impression que le jeu a été peint par l’artiste qui a produit l’image d’exemple. », poursuit Eric.
Mais pour arriver à un tel résultat, pas de miracle : « 20 à 30% seulement des recherches qui ont abouti à une publication seront implémentées dans Unity. Et 5 à 10% seulement des idées explorées fonctionnent jusqu’au bout et font l’objet d’une publication. », rappelle Eric Heitz. Preuve qu’on est bien dans le domaine de la Recherche et non de la « simple » R&D …
En savoir plus sur Unity : https://unity.com/fr
En savoir plus sur le Labs grenoblois : https://unity-grenoble.github.io/website/index.html